De la réification des catégories

Le dernier numéro de la revue L'Histoire est consacrée à 50 ans d'immigration.

je ne veux pas ici commenter l'ensemble du numéro, bien que quelques phrases

peuvent être citées, par exemple un inter-titre de l'article d'un certain

Jean-Michel Gaillard, indiquant qu'"aujourd'hui les immigrés affluent du Monde

entier", ou encore dans ce même article, "l'immigration de main d'oeuvre est

devenu une immigration de peuplement", "Lorsque sont venus la crise et le

chômage, l'Europe ne les a pas renvoyés, comme elle l'avait fait dans les années

1930 où, par wagons entiers, des étrangers avaient été reconduits dans leurs

pays d'origine".

 

Ainsi que le graphique, intitulé "L'explosion des demandes d'asile en Europe",

et qui de plus ne fournit que les années 1983, 1992 et 1997...

 

Ou encore, dans l'article de Michel Winock, le fait que "une estimation de la

Direction centrale des Renseignements généraux, portant sur un échantillon de

"meneurs" de violence, sur l'ensemble du territoire national, entre seize et

vingt-cinq ans, relevait 406 Français, 60 Maghrébins et 15 Africains; sur les

406 Français, 48 avaient des noms et des prénoms européens".

 

Et, une iconographie suggestive. Dans ce même article, bien sûr, l'équipe de

France de foot en page de gauche, des voitures incendiées en page de droite.

 

En revanche deux mots sur le nouveau vocabulaire de l'immigration:

Page 40, un lexique est fourni, sur "Les mots de l'immigration", avec comme

sous-titre "Intégration, droit du sol, sans papiers: les immigrés en France" (!)

1 premier mot pris de ce lexique:

 

D'abord, et bien sûr, Français de souche: Français dont les parents sont nés en

France.

Michel Winock, Professeur à l'IEP, indique, sans sourciller, "On estime qu'un

quart des jeunes femmes d'origine algérienne vivant en couple cohabitent avec un

"Français de souche"" (il est vrai, ici entre guillemets). Ainsi, ce terme,

introduit dans une enquête, se banalise à travers ce type de revue, destinée par

exemple aux enseignants. En l'introduisant dans une enquête au sein d'un

institut de recherche reconnu, l'INED, il est devenu scientifique.

De même, et quelles qu'aient été les critiques portées, on apprend que "l'on

estime à 8000 le nombre de chefs de famille polygame en France"), phrase qui

plus est citée entre deux considérations sur l'islam...

 

Enfin deux autres définitions du lexique, déjà cité, que je laisse à méditer:

 

Assimilation: la politique d'assimilation vise à inclure les étrangers dans une

République universaliste fondée sur l'émancipation individuelle. A ce terme

aujourd'hui dévalorisé, on préfère celui d'intégration.

 

Intégration: l'intégration vise à absorber chaque individu dans la société

d'accueil par le brassage de l'école, de l'emploi, du mariage, etc. Aujourd'hui,

le terme est souvent employé avec le même sens qu'assimilation. Il s'en

distingue cependant en ne mettant pas l'accent sur l'homogénéisation culturelle.

 

Signalons malgré tout, dans ce même numéro, l'article de Jean-Pierre Bardet,

d'un ton bien différent, mesuré et précis, montrant que l'on peut parler

vraiment d'histoire de l'immigration, même si on peut discuter diverses de ses

hypothèses.

 

Alain Blum