De: Michel Lévy <levy@ined.fr>

Date : lundi 19 avril 1999 18:52

Le Monde, daté jeudi 15 avril 1999, p. 17

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En France, on ne croit plus à l'utilité des sciences sociales ni à la vraisemblance de messages qui associeraient histoire, géographie, démographie et ethnologie. Inversement ces disciplines ne sont pas pressées de faire entendre leurs points de vue dans des débats brûlants, ayant trop appris que personne ne leur en serait reconnaissant. Il est assurément plus confortable de déclarer que Serbes, Croates, Hutus et Tutsis ne sont pas d'authentiques ethnies pour se débarrasser de la responsabilité d'un avis. Par ailleurs, il ne manque pas d'intellectuels mieux habitués à la fréquentation des médias sachant bricoler un discours attractif et sans danger en une minute d'antenne.

L'action réfléchie demande du temps. Ne pas mettre en chantier une structure capable d'organiser la documentation et l'analyse au service du plus grand nombre serait une nouvelle défaite qui nous conduirait tous à subir la nécessité d'un choix à venir entre des "réflexes" politiques dont la logique et la nocivité sont rodées depuis longtemps. Tant que l'information donnée par les sciences sociales à la presse et celle délivrée par la presse au public resteront aussi chaotiques, sporadiques, lacunaires, dispersées et improvisées, l'exercice de la démocratie se réduira au r=F4le du choeur dans les tragédies antiques : soutenir Jason ou Médée, Clinton ou Milosevic, le missile céleste ou la mort à bout portant >>

Georges Guille-Escuret est chargé de recherches en sciences sociales au CNRS.