Patrick Simon

Réaction au message Listcensus 71

Le niveau du débat s'est brusquement élevé avec la dernière contribution d'Hervé Le Bras (listcensus 71) qui s'accapare Salman Rushdie et associe par une empathie assez curieuse "artistes démographes" et "adversaires des catégories ethniques" (qui est l'artiste démographe ? Salman Rushdie ?).

L'amalgame constant qu'opére H.Le Bras entre l'extrême droite, le racialisme primaire et les chercheurs travaillant sur les catégories ethniques n'est pas seulement un procédé assez banal, quoique toujours désagréable, en réthorique politique pour discréditer ses contradicteurs, c'est également une erreur fondamentale d'analyse. En effet, la mise en évidence des différentes distinctions qui travaillent le corps social, fussent-elles ethniques, ne remet pas en question l'existence d'une communauté humaine, comme croit devoir le dénoncer H.Le Bras. Elles prouvent au contraire que notre commune humanité n'existe qu'en raison de notre incroyable diversité. Ce constat, rappelé aussi bien par Levi-Strauss ou Louis Dumont, ainsi que par d'innombrables travaux de philosophie politique (tant qu'à citer Rawls, H.Le Bras aurait pu aller jusqu'à Michael Walser, Will Kymlica ou Charles Taylor), justifie précisément l'attention portée aux processus de différenciation et d'aggrégation qui traversent les sociétés humaines. Cela peut se faire sans hiérarchiser les groupes a priori. Les théories de la domination fournissent un cadre d'analyse pour interpréter les liens entre subordination et production de différences, et c'est ce que réalisent Wallerstein et Balibar que cite pourtant H.Le Bras. Comprendre la logique des processus et montrer qu'ils n'ont rien de "naturel" n'aménent cependant pas ces auteurs à réfuter l'existence de différenciations et leur efficacité sociale, point limlite où semble nous emmener H.Le Bras. La posture du militant qui entend s'opposer au racisme ne commande pas d'en ignorer les mécanismes, ni les conséquences sur la strafication de la société.

Faut-il commenter les développements conclusifs où H.Le Bras, ne résistant décidément pas à ses "démons" (des origines ?) accomplit la prouesse de voir de l'ethnique dans les positions syndicales, tout en se revendiquant d'une "liberté de parole" qui ne lui a jamais été refusée. Est-ce un scandale si le personnel de l'INED se sent diffamé quand on lui prête, collectivement, des accointances et des compromissions objectives avec l'extrême droite ?

H.Le Bras recommande de ne pas confondre "trois champs d'analyse, respectivement politique, sociologioque et statistique". Pourtant, en invoquant les grands principes de liberté d'expression ou d'humanité commune, il cherche l'adhésion à des propositions qui se situent sur un autre plan : celui de la légitimité et de la validité scientifique. Il fait diversion dans un débat qui pose des questions d'une autre nature. Et pour terminer, serait-il possible de laisser le contentieux entre l'INED et H.Le Bras en dehors de tout ça ?

 

Patrick Simon